Le Fascicule II du Bulletin de Koutchino paru en janvier 1909.
Ce bulletin contenait un grand nombre de données inédites utiles aux constructeurs d'avions, d'hélicoptères, de dirigeables.
Certains des exemples traités numériquement admettaient déjà la construction de machines volantes de plusieurs dizaines de tonnes.
Pendant les quatre premières années de son activité, l'Institut Aérodynamique de Koutchino semble avoir été le seul grand laboratoire de ce genre.
Dans le même temps :
La mort prématurée, en 1905, du colonel Charles Renard, avait mis fin à ses remarquables recherches poursuivies au
Chalais-Meudon, sur les dirigeables et les hélices sustentatrices.
En Angleterre, l'Advisory Commitee for Aeronautics ne fut formé qu'en 1908.
En novembre 1909, M. Léon Lecornu, Professeur à l'école Polytechnique et à l'Ecole Supérieure des Mines, publie un article
intitulé :
"L'institut Aérodynamique de Koutchino" où il parle de la Notice descriptive de cet Institut et des deux premiers fascicules de son Bulletin, et dit : "La nécessité de pareils laboratoires s'impose avec une parfaite évidence". Tout le monde est d'accord à ce sujet.
En attendant qu'il en existe en France, je crois utile d'indiquer rapidement ce qui est déjà réalisé en Russie.
A la fin du mois de mai 1909, M. Henri Deutsch de la Meurthe informait M. le Ministre de l'Instruction Publique de son intention
d'offrir à l'Université de Paris les fonds nécessaires à la création et à l'entretien d'un Institut Aérotechnique où seraient poursuivies des recherches théoriques et pratiques tendant au perfectionnement des engins de la locomotion aérienne sous toutes ses formes.
L'inauguration officielle de cet Institut a eu lieu le 6 juillet 1911.
La première soufflerie construite par M. Gustave Eiffel commença à fonctionner vers la fin de 1909.
Le premier numéro de la Zeitschrift für Flugtechnik und Motorluftschiffahzt, dirigé par le Professeur Ludwiq Prandtl et donnant le compte rendu des premières recherches systématiques effectuées en Allemagne, ne parut qu'en janvier 1910.
Les fascicules III, IV, et V du Bulletin de Koutchino parurent, respectivement, en décembre 1909, en novembre 1912 et en juin 1914.
Les Bulletins de Koutchino étaient envoyés à des spécialistes du monde entier et provoquèrent un échange de vue et d'idées favorables au développement de la science aéronautique et de la Mécanique des fluides en général.
Dès les premiers temps de l'activité de l'Institut de Koutchino, parallèlement aux expériences faites dans un courant aérien,
Dimitri Riabouchinsky a effectué des expériences similaires dans un courant d'eau, notamment dans la Pékhorka, petite rivière à proximité de l'Institut. En 1911, il procéda à la construction d'un laboratoire hydrodynamique spécial, inauguré en 1912.
La séance solennelle qui eût lieu à l'Institut de Koutchino, le 10 mai 1914, à l'occasion du dixième anniversaire la fondation de cet Institut, fut une manisfestation scientifique internationale, qui souligna, une fois de plus , l'impérieuse nécessité de cet organisme et l'importance des travaux de son Directeur.
Les représentants du gouvernement, de l'Académie des Sciences, des Universités et Sociétés scientifiques, se rendirent à Koutchino pour manisfester par leur présence l'intérêt qu'ils portaient à la science aérodynamique et aux travaux de l'Institut.
Des félicitations à Dimitri Riabouchinsky vinrent des différents pays d'Europe et des Etats Unis.
Citons celles de Paul Appell, H. Benard, U. Dini, J. Hadamard, H. Hergesell, H. Reissner, S. Zaremba. Le Recteur L. Liard,
au nom de l'Université de Paris M. Ch. Maurain, au nom de l'Institut Aérotechnique.
Le Commandant E. Dorand, au nom des Officiers du Laboratoire d'Aéronautique Militaire de Chalais-Meudon, écrit : "...nous savons apprécier vos remarquables travaux qui ont contribué pour une si grande part à l'évolution de la machine volante...." ;
de l'Association du Rhône et du Sud-Est de La France : "Nous serions heureux que, comme M. Eiffel, vous vouliez bien accepter d'être membre d'honneur de notre Association".
D'Angleterre, Sir R. J. Glazebrook, au nom de l'Advisory Committee for Aeronautics : "The comparisons which it has been possible to make between results obtained at Koutchino and those furnished by the investigations at the National Physical Laboratory, have been found of the utmost value...".
Des Etats-Unis, Ch.D. Walcott, au nom de la Smithsonian Institution : "I beg to communicate to you the hearty felicitations of the Smithsonian Institution on the remarkable scientific achievements of your laboratory during he first decade of its existence.
Your results have been important not only in advancing aeronautics and meteorology, but peculiary so in establishing the fundamental principles of the motion of fluids...".
De l'éminant balisticien russe, le Général N. A. Zaboudsky, correspondant de l'Institut de France : "Je vous félicite à l'occasion du 10e anniversaire de l'Institut que vous avez créé, qui s'est illustré par ses recherches théoriques et expérimentales, et a rendu de grands services à l'Aéronautique Nationale."
Le célèbre constructeur d'aéroplane I. Sikorsky caractérisait l'Institut de Koutchino comme "le glorieux nid de la science aéronautique".
Quelques semaines plus tard, la première guerre mondiale commençait. L'Institut de Koutchino fut militarisé mais Dimitri Riabouchinsky en resta le directeur chargé, par le Comité Technique de l'Artillerie, de la mise à l'étude et de la réalisation de certaines inventions utiles à la Défense Nationale, agréées par le Comité.
Après la révolution d'Octobre 1917 les bolcheviks prirent le pouvoir, l'Institut de Koutchino fut nationalisé et un Comité directeur constitué où figuraient Dimitri Riabouchinsky et quelques-uns de ses collègues de l'Université.
D. Riabouchinsky est diplômé de la Faculté Physico-Mathématique de l'Université de Moscou et agrégé de l'enseignement supérieur.
En plus de la Direction des travaux de l'Insitut de Koutchino, il professa à cette Université comme privat-docent (chargé de cours), l'Aérodynamique et la Théorie de l'Elasticité.
Le 10 décembre 1918 l'Académie des Sciences de Petrograd chargea D. Riabouchinsky d'une mission au Danemark.
La lettre de mission signée par le Secrétaire perpétuel S. Oldenbourg, dit notamment :" M. Riabouchinsky, chargé de cours à l'Université de Moscou, fondateur et FF de Directeur de l'Institut Aérodynamique, est envoyé pour des travaux scientifiques à Ascov."
Pendant son séjour au Danemark, il effectua quelques recherches à Ascov, au Laboratoire Gouvernemeftal pour l'étude des moulins à vents, fut invité à faire une conférence sur ses travaux à la Société de Physique de Copenhague et rédigea deux mémoires.
Depuis 1919, il habite sur le sol français où on le connaissait déjà : M. Paul Appell, M. Emile Picard, M. Gabriel Koenigs,
M. Paul Painlevé, M. Henri Villat, M. Henri Bénard et d'autres savants éminent lui accordèrent leur soutien. Cette deuxième étape de sa carrière scientifique (1919-1954) se déroule principalement à Paris, mais elle fut entrecoupée par quelques missions à l'étranger.
En 1920, il publia à Paris, chez Gauthier-Villars, le fascicule VI du bulletin de Koutchino où les travaux effectués pendant
la guerre sont exposés. Sur la demande de l'Ingénieur Général Charbonnier, il rédigea sur cette question un deuxième mémoire qui parut en 1923 dans le Mémorial de l'Artillerie Française.
Le 15 Juin 1922, M. Riabouchinsky soutint ses deux thèses, présentées à la Faculté des Sciences de Paris, et obtint le grade de Docteur ès Sciences Mathématiques.
Le 5 Juillet 1922, M. Riabouchinsky fut reçu en audience par M. Laurent-Eynac, Sous-Secrétaire d'Etat à l'Aéronautique.
Cette audience fut le point de départ de la collaboration scientifique de M. D. Riabouchinsky au Ministère de l'Air.
Ses travaux agréés par la Direction générale technique du Ministère de l'Air, figurent dans la liste chronologique des publications de M. Riabouchinsky.
En 1926, sur une proposition de M. Paul Painlevé, une bourse Rockefeller lui fut attribuée.
En 1924, une chaire de Mécanique des fluides et applications fut fondée à la Sorbonne. M. Paul Painlevé en fut le premier titulaire et
M. Henri Villat lui succéda. En 1929, un Laboratoire de Mécanique des fluides fut fondé par le Ministère de l'Air avec M. Henri Bénard comme Directeur, et la Mécanique des fluides fut incorporée dans l'Institut de Mécanique de Paris, dont M. Henri Villat a assumé la Direction Générale.
M.S. Charlety, Recteur de l'Académie de Paris, Président du Conseil de l'Université désigne Dimitri Riabouchinski comme Directeur- Adjoint du Laboratoire de Mécanique des Fluides et, par arrêté du 19 Novembre 1930, comme Membre du Conseil de l'Institut de Mécanique.
En 1930, un groupe de savants russes organisa à Paris la Société Russe de Philosophie des Sciences.
Dimitri Riabouchinsky se trouvait parmi les organisateurs. Il en fut élu président.
Aviation et philosophie : ce rapprochement peut paraître étrange, même abstrus, mais on doit se rendre compte que les recherches scientifiques qui concernent l'aviation sont du domaine de la mécanique et de physique mathématiques.
Mathématiques et philosophie ont beaucoup de points de rapprochement.
On peut déjà citer comme témoin Platon qui dit :
"L'entrée de l'Académie est interdite à ceux qui ne connaissent pas la géométrie"
Mais, comme toujours, à coté des grandes idées se tiennent les dangers :
ce sont ordinairement des courants de pensées qui tâchent de déformer ou de fausser les grandes idées en les exagérant.
Ces courants de pensées émanent de l'attrait du paradoxal qui prend possession de beaucoup de personnes.
Dimitri Riabouchinsky n'est pas de leur nombre. Retenu par un esprit de mesure, héritage de la culture hellénique, il est sobre et sévère en faisant collaborer la mathématique et la philosophie. Sa formation est faite dans ses grandes lignes, mais le développement continue. Son goût de la philosophie et des grandes idées l'aide à conserver sa largeur de vue et sa fraîcheur de pensée.
Pendant 10 ans Dimitri Riabouchinsky a été l'un des Directeurs de Recherches au Laboratoire de Mécanique des Fluides de l'Institut de Mécanique.
De 1925 à 1953, D. Riabouchinsky a fait à la Sorbonne 15 séries de conférences à titre de savant étranger, car il a gardé sa nationalité d'origine.
En 1927 il a été invité à faire des conférences sur la Mécanique des fluides par la Faculté des Mécaniciens de l'Ecole Polytechnique de Varsovie, et cette même année il a fait des conférences en Angleterre, à l'Oxord Mathematical and Physical Society et la Leeds University Engineering Society.
En 1928, Riabouchinsky professa pendant un semestre à l'Institut Scientifique Russe fondé par le Gouvernement Yougoslave et à l'Université de Belgrade. Au début de 1929, il fit une tournée de conférences aux Etat-Unis, à l'Université de Michigan, au Massachusetts Institut of Technology (Cambridge), à l'Université de New-York, au U.S. Bureau of Standarts (Washington) et au Langley Memorial Laboratory.
En 1929, sur l'initiative de M. Gabriel Koenigs, Membre de l'Académie des Sciences, et de M. Henri Villat, correspondant de l'Académie des Sciences, Directeur de l'Institut de Mécanique, une séance solennelle fut organisée à la Sorbonne pour fêter le 25ème anniversaire de la fondation de l'Institut Aérodynamique de Koutchino. Dimitri Riabouchinsky donna un aperçu général de ses travaux théoriques et expérimentaux sur la Mécanique des fluides.
A cette occasion M. Emile Picard, Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences, adressa une lettre au Professeur Koenigs en le priant de la porter à la connaissance de l' Assemblée. Il y regrette vivement l'impossibilité où il se trouve de pouvoir s'associer à l'hommage si légitimement rendu à M.Riabouchinsky. Depuis l'époque lointaine où M. Riabouchinsky fondait l'Institut Aérodynamique de Koutchino, il est un des maîtres les plus éminents de la Mécanique des Fluides, et l'Institut de Mécanique de l'Université de Paris est heureux d'avoir pu lui donner l'hospitalité. Veuillez dire à Riabouchinsky toute ma sympathique admiration".
Par décision en date du 12 novembre 1931 et après consultation du Ministère des Affaires Etrangères, M. Dimitri Riabouchinsky a été autorisé par le Directeur Général de l'Enseignement Technique à enseigner comme Professeur à l'Institut Supérieur Technique Russe en France. Il y est titulaire de la Chaire de Mécanique Théorique et Président du Conseil des Professeurs.
En 1932, l'Académie des Sciences lui décerna un prix sur la fondation Henry Bazin et en 1935 il fut élu correspondant de l'Académie des Sciences.
Dimitri Riabouchinsky est membre de l'Institut Royal de Philosophie de Londres, de l'Institut des Sciences Aéronautiques de New-York, de la Société Mathématique de France. Il est membre du Conseil du Groupe Académique Russe, Président de la Société Russe de Philosophie des Sciences, fondée en 1930, et qui est l'une des Sociétés fondatrices de la Confédération Internationale des Sociétés de Philosophie, Président de l'Association pour la conservation des valeurs culturelles russes.
En 1928, M. H. Bénard, Président de la Société Française de Physique, désigna M. D. Riabouchinsky comme délégué officiel de la Société au Congrès International des Mathématiciens, à Bologne ; en avril 1929, le Ministère de l'Air lui confie une Mission au Etats-Unis pour l'étude des souffleries aérodynamiques ; en 1930, il est membre de la délégation chargée de représenter le Ministère de l'Instruction Publique au Congrès International de Mécanique Appliquée à Stockholm, et délégué de l'Université de Paris pour représenter l'Institut de Mécanique au Congrès International de la Navigation Aérienne à la Haye.
En sa séance du 21 mars 1938, l'Académie des Sciences a désigné Dimitri Riabouchinsky, conjointement avec M. Emile Jouguet et Albert Caquot, pour la représenter au Ve Congrès International de Mécanique Appliquée qui a eu lieu à l'Université de Harvard, en septembre 1938.
Dans les expositions officielles du Ministère de l'Air aux Salons Aéronautiques de Paris, en 1930, 1932, 1934, 1936 et 1938 au Palais de l'Air de l'Exposition Internationale de Paris en 1937, et à l'Exposition Internationale de Liège en 1939, les recherches effectuées sous la direction de M. Dimitri Riabouchinsky, constituaient, selon l'opinion formulée dans les journaux spécialisés, l'ensemble le plus important dans le domaine et la Mécanique des fluides.
Au début de 1940, l'activité de M. D.P. Riabouchinky fut rattachée au Centre National de la Recherche Scientifique où, ces neuf dernières années, il a été Maître de Recherches, en continuant également à être Collaborateur Scientifique au Ministère de l'Air, chargé d'une direction de recherches à l'Institut de Mécanique de Paris.
Malgré, la diversité des sujets abordés par Dimitri Riabouchinsky, l'esprit dans lequel ils sont étudiés reste toujours le même. Qu'il traite des questions philosophiques ou de l'aérodynamique, ou de la physique théorique, il a toujours en vue le même fil conducteur : la mécanique des fluides. C'est pourquoi l'oeuvre de Dimitri Riabouchinsky présente une certaine homogénéité qui peut même surprendre parfois.
Dimitri Pavlovitch Riabouchinsky est le Président fondateur de l'APCOR Association Pour La Conservation Des Valeurs Culturelles Russes
Cette Association a pour but le recensement, la conservation et la protection de la culture spirituelle et matérielle du peuple Russe à l'étranger. La Révolution Russe a engendré, par voie de conséquence le départ vers l'exil de presque toute l'élite de cette grande nation.
Après 1917 plus d'un million de Russes quittèrent leur Patrie, Nobles, Bourgeois, Intellectuels, qui incarnaient la culture Russe aux yeux de l'Occident. Ils choisirent Paris comme centre de ralliement. Malgré ce destin tragique tous se sont très bien adaptés, ont été très bien accueillis et aidés, en toute liberté.
C'est pour préserver hors de Russie le Patrimoine Artistique et Moral de cette grande nation qu'il a fondé cette association.
Il a voulu rassembler les archives mémoires de ses compatriotes russes à l'étranger concernant les Sciences, la Littérature, les Arts et
la Pensée Religieuse, richesses dont le peuple Russe peut être fier. Son idée était de fonder un musée à Paris, centre du monde, qui témoignerait devant l'histoire, de la vie, et de la riche activité de la dispersion russe.